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Ma position sur la loi Immigration

Mardi 19 décembre 2023, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration. J’ai voté contre ce texte issu de la commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs. Je souhaite revenir ici sur les évolutions de ce texte et les raisons de mon choix.   

Réformer l’immigration : une nécessité   

Cinq ans après la loi Asile et immigration portée par Gérard Collomb alors ministre de l’Intérieur, la nécessité de faire évoluer notre législation en matière d’immigration est criante. En effet les difficultés rencontrées sur le terrain sont nombreuses et connues de tous : freins pour expulser les immigrés constituant une menace à l’ordre public dans notre pays, situations administratives ingérables pour des étrangers en situation régulière résidant en France, lenteurs de traitement des demandes d’asile comme des titres de séjour maintenant des immigrés en situation irrégulière malgré eux. Ces situations, chaque député les a rencontrées dans sa circonscription.   

Les ministres chargés de l’Intérieur, de la Justice et du Travail ont donc travaillé à un texte de justice et d’équilibre, marchant sur deux jambes : le contrôle de l’immigration et l’amélioration de l’intégration.   

Le projet de loi initial, présenté par le Gouvernement, avait 3 objectifs : 

  • Renforcer par la langue et le travail, l’intégration des immigrés ;
  • Lutter contre l’immigration clandestine et éloigner les étrangers dont la présence est une menace pour l’ordre public ; 
  • Réduire considérablement les délais d’examen des demandes d’asile, en engageant une réforme structurelle de notre système de l’asile et simplifier le contentieux des étrangers.   

Un projet de loi dénaturé au Sénat   

L’examen de ce projet de loi a commencé au Sénat. Dès son passage en commission, la majorité sénatoriale a manifesté sa volonté de durcir ce texte. S’éloignant des objectifs initiaux du Gouvernement, les sénateurs ont surtout cherché à dissuader l’immigration, pour lutter contre ce qu’ils nomment « l’appel d’air » et ils ont rajouté de très nombreux articles sur la fixation de quotas migratoires, sur le durcissement des conditions d’accès au regroupement familial, sur l’alignement sur ces conditions pour les conjoints de français, sur le contrôle par les maires des critères du regroupement familial, sur la suppression de l’Aide Médicale d’État (AME), sur la fin de l’automaticité du droit du sol, sur le rétablissement du délit de séjour irrégulier…   

Un débat rejeté à l’Assemblée   

Le texte a poursuivi sa navette parlementaire en commission des Lois à l’Assemblée. Les députés membre de la commission des Lois ont largement corrigé le texte en : 

  • Conservant certaines mesures du Sénat (examen à « 360 degrés » des demandes d’asile, aggravation des sanctions applicables aux reconnaissances frauduleuses de paternité…) ; 
  • Rejetant des points qui n’avaient pas leur place dans ce texte (sujets sur la nationalité, réforme de l’hébergement d’urgence, suppression de l’AME, admission au séjour des propriétaires de résidences secondaires de nationalité britannique…) ; 
  • Modifiant certains ajouts du Sénat comme les critères du regroupement familial ; 
  • Réintégrant des mesures importantes du texte initial supprimées par le Sénat : création d’une voie d’accès au séjour pour les étrangers ayant exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques en tension, durant au moins 8 mois, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois…   

Ce texte aurait dû être examiné en séance publique ce qui aurait permis de poursuivre son amélioration. J’avais étudié le texte et me préparait à voter pour ou contre certains articles, pour ou contre certains amendements, afin que ce texte puisse satisfaire au mieux ses objectifs initiaux.   

Une improbable coalition de toutes nos oppositions en a décidé autrement. En adoptant une motion de rejet préalable lundi 11 décembre, elles nous ont privé du débat normal du texte. S’il n’est pas surprenant de voir les voix de la gauche radicale et celle de l’extrême droite se mêler pour refuser le débat, je regrette profondément que la gauche et la droite républicaines aient préféré un « coup politique » au travail parlementaire.   

En règle générale, une commission mixte paritaire (CMP) cherche une synthèse entre 2 textes, celui du Sénat et celui de l’Assemblée. La conséquence de ce rejet a été que la CMP a travaillé à partir de la seule base du texte du Sénat. Le travail a donc été difficile et le compromis obtenu comprend des mesures inacceptables pour moi.  

 Un compromis inacceptable

J’ai pris connaissance du texte de la CMP mardi 19 décembre dans la soirée, quelques heures avant le vote. Sur les 27 articles du projet de loi initial, 26 sont présents dans cette version finale, et certaines avancées significatives y sont maintenues, comme l’interdiction du placement des mineurs en CRA et les mesures d’éloignement des étrangers dangereux.   J’estime cependant que les concessions à approuver pour obtenir ces avancées est trop lourd. Sur les 85 articles de la loi définitivement votée, 59 sont ainsi issus du Sénat. Je ne reconnais plus le texte initial que j’ai soutenu.   

Celui-ci a en effet été considérablement durci. Il franchit plusieurs lignes rouges que je m’étais fixée : 

  • Le délai de cinq ans de résidence pour obtenir le droit à certaines aides sociales, ce qui équivaut à une forme de préférence nationale ; 
  • Les mesures à l’encontre des étudiants étrangers, critiquées par de nombreuses universités et grandes écoles, comme la caution-retour, à l’opposé de ce que j’ai toujours défendu ; 
  • Le volet régularisation par le travail et pour les métiers en tension, mesure phare du texte, a été largement minoré. Le titre de séjour d’un an serait uniquement délivré au cas par cas par les Préfets. 
  • Le rétablissement du délit de séjour irrégulier.  

 Je suis une élue loyale à mon groupe et je considère en général que les divergences politiques doivent se régler par le dialogue interne. Je n’ai pas l’habitude d’exprimer publiquement des désaccords. Mais les conséquences de ce texte seront lourdes et j’ai, en conscience, voté contre. Ce faisant je suis restée fidèle à mes valeurs, et loyale à mes électeurs lyonnais, humanistes et opposés aux extrêmes.